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coeur de neige, le film

 

Avec Jonathan Heckel et Fatou Siby / Image Sébastien Téot et Martin Tronquart / Son Aurélien Lévêque / Musique originale David Georgelin / Montage image Sarah Ternat / Montage son Sarah Lelu / Mixage Vincent Verdoux/ Etalonnage Yannig Willmann / Graphisme : Joanna Wiejak /

Un film de Lise Maussion

Un homme semble balayer du vent, dans les rues des Neiges. Parfois, il voit des choses que les autres ne voient pas. Ils les ramassent pour les faire entrer dans son corps. D’autres fois, il se met à courir et hurler jusqu’à la grande route, comme s’il cherchait quelqu’un. C’est le cantonnier du quartier. Tout le monde le connait.

 

Avec la participation des habitants du quartier des Neiges, des dames du Comité des Neiges, du club de foot de l’OHTN et de l’association LHS Partage (Le Havre).

PRODUCTION THEATRE POLE NORD / PRODUCTION DELEGUEE ALTRA FILMS / COPRODUCTION CELLULO PROD ET LA TRAINEE BLEUE

Projections :

Le samedi 27 novembre au cinéma Le Saint André des Arts à Paris

Le dimanche 5 décembre au cinéma Le Studio au Havre.

Si vous souhaitez regarder Coeur de neige :

https://theatrepolenord.fromsmash.com/zEt7nqdQss-ct

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graphisme : Joanna Wiejak

Septembre 2018. 

 

Je vis au Havre depuis deux ans. Je ne sais pas pourquoi nous avons décidé de passer un temps de notre vie dans cette ville étrange. Je suis un mouvement contraire. L’impression que ce ne sera chez moi nulle part et la certitude qui vient doucement de se dire alors, que je suis sans doute nomade. Je suis bien là où je suis quand je sais que bientôt je partirai.

C’est une ville mirage, une amante de nuit, une étrangère artificielle. Une terre creuse qui cache un marécage qui nous berce et nous endort. Une terre de brume où brillent au loin de grandes grues ouvrant les bras au monde entier. Et les paquebots poussent leur cri au milieu des goélands. Et nos pas ont l’air de s’effacer dès lors qu’ils sont passés. Comme si les traces ne pouvaient s’ancrer nulle part. Comme si l’histoire de cette ville n’était qu’une série de recommencements perpétuels devant le grand néant qui la menace sans cesse sous terre et dans le ciel.

Et la lumière devient irréelle. D’une beauté extraordinaire, elle nous prend comme une magicienne. L’homme et sa petite joie dansent comme un papillon d’un jour. Sa petite flamme électrique épouse ou se détache comme elle peut des reflets multiples de l’océan qui se déploient tout autour de nous à la tombée de la nuit. Et la ville dort comme une mutante aquatique, sourde et silencieuse.

Je cherche un cœur. Un organe vivant et résistant. Une chaleur emblématique. Tout près du port. Tout près de la raffinerie. Tout près des cheminées. Le sol tremble quand les camions passent. Mon corps aussi. Je cherche des gens. Ils sont là. Dans le Quartier des Neiges. Dans les HLM et les petites maisons. À l’arrêt des bus. Dans le bar. À l’épicerie. Dans la salle des fêtes. À l’église.

Des gens qui y vivent depuis plusieurs générations. Et des gens qui viennent d’y arriver en tant que réfugiés.

J’écoute des voix qui me racontent. Quand la décharge était là, et que les jeunes ménages récupéraient les briques des maisons bombardées pour se construire un abri. Quand beaucoup d’entre eux partaient pour pêcher les moules à l’aube, et qu’un jour certains d'entre eux ne sont pas revenus. Quand il y avait derrière la centrale, les pêcheurs d’anguilles. Quand on pouvait encore aller jusqu’à la plage tremper les pieds dans « la Pouilleuse » et que certains enfants sont allés trop loin alors qu’ils ne savaient pas nager. Quand il y avait le camp des gitans, auprès des baraquements, que tout le monde s’entendait bien ou presque. Quand le chantier naval laissait partir ses bateaux sur sa pente savonneuse. Quand le stade de foot était ouvert et que ça ne jouait pas qu’un peu. Des voix qui sont fières d’être là. Qui ne partiraient jamais de là. Qui aiment leur terre et l’histoire qui les relie à cette terre.

Puis j’écoute les enfants réfugiés qui me racontent tout ce qu’ils ont quitté, par où ils sont passés, là où ils voudraient aller. Et je les regarde jouer, rire et danser là où ils sont à ce jour.

Sur une terre sous Seveso. Encerclée par le Port Autonome, derrière les palissades et les barbelés. Une terre aujourd’hui trop polluée pour y entrevoir un avenir autre que celui de voir s’étendre encore, le Port Autonome.

Et c’est là que la vie, aussi fragile qu’elle soit, me saute au cou. Je suis là, béate, devant ces forces et ces joies que je découvre. Je tente d’y écrire une histoire, handicapée par cette intranquillité qui m’habite. Cette peur d’entrer dans une zone dite « interdite ». Je frappe timidement aux portes, je bois mon café à toutes petites gorgées, et j’enregistre qui j’entends. Je récolte des secrets. Et j’invite mes amis, à jouer des personnages imbibés de ces fabuleux témoignages, à filmer la profonde poésie de cet endroit, à rencontrer le cœur d’une ville où des femmes et des hommes marchent comme un cœur qui bat plus fort encore que tous les containers posés à terre.

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                      Lise Maussion

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