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l'antre de Dambala

A l’été 2015, en résidence au Festival à Villeréal pour la préparation du spectacle L’ogre et l’enfant, Jean Haderer et Lise Maussion ont collecté des témoignages dans le village, autour des Esprits.
 

Ces rencontres ont mené à des restitutions chaque lundi soir, sous la halle du village.

 

Les témoignages et les photos recueillis ont été exposés pendant le festival dans une salle surnommée pour l’occasion : l’Antre de Dambala.

LES CELTES


J’ouvre les yeux. Je sors d’un cauchemar qui n’est pas le mien. Une larme coule sur mon visage. Mais je ne pleure pas.


J’ai toujours le même sentiment. La chair de poule mais sans avoir peur. J’ai fait ce rêve alors que j’étais dans une ancienne abbaye en résidence d’écriture. Dans la cellule où je dormais, un homme s’était pendu il y a quelques années. Dehors sous le cloître, des moines avaient été enterrés depuis des siècles. Nous étions plusieurs ce soir-là à avoir prolongé la soirée. On faisait la fête et je me suis endormi saoul. Dans le rêve, je marche sur un petit chemin à flanc de colline. C’est le crépuscule. Un soleil rouge au loin et le reste noir, bleu nuit. Je sais que je dois rejoindre une ville moyenâgeuse. Mais je suis amnésique. Je croise sur mon chemin des personnages de fêtes foraines. Et je leur demande à chacun qui je suis. Le premier homme, un nain, me renseigne. Il me raconte où je suis né et qui je suis. Rassuré, je reprends la route jusqu’à rencontrer un deuxième personnage. Je lui dis qui je suis mais il ne me croit pas. Il me raconte que je suis quelqu’un d’autre. Et à mesure qu’il avance ses arguments, je me trouve persuadé. Je vais rencontrer plusieurs personnages sur ce long chemin et à chaque fois je repars en étant quelqu’un d’autre. Mais plus j’avance, plus j’ai le tournis. A un moment, je sens que je dois m’éloigner de ce rêve. Mais plus j’essaie, moins j’y arrive. Je crois qu’en fait, ce rêve n’était pas le mien. J’ouvre les yeux dans le noir. Je suis éveillé et très calme. Je n’ai pas eu peur pendant ce rêve. Simplement, une grosse larme coulait sur ma joue. Et j’entendais le bruit d’une corde qui se tordait sur elle-même.
 

Je me suis toujours demandé qu’est-ce que c’était ce temps-là où l’on dort ? Qu’est-ce qui veillait en nous ?
 

Chez les Celtes là-bas. Les Celtes paysans, dans les villages. Il y a des hommes et des femmes que l’on écoute plus que d’autres.

LA CHOUETTE


Je me souviens de ma mère qui me lavait les cheveux sur un petit muret et je ne sais pas pourquoi, j’avais peur qu’elle me noie. Je me souviens aussi d’un camélia en fleurs sous la neige.


Arlette. Quand elle est morte, j’ai senti que quelque chose allait arriver. Ma femme est venue et je lui ai dit : assieds-toi là, on va se marier. Le 10 mai. En souvenir de Mitterrand. Parce-que ça, je peux te dire qu’on l’a fêté quand on a déboulonné Giscard. Six mois après, je faisais un café crème et je ne sentais plus mon bras et je ne sentais plus ma jambe.


Dans les grottes sombres, on allait caresser le ventre des truites. On se glissait dans les failles du rocher et on sentait l’orage qui grondait dans notre ventre et le tonnerre qui nous pétait à travers tout le corps, on ne faisait pas les fiers à ce moment-là. Et on choppait le goujon à la fourchette.
 

J’ai piloté des machiavels, j’ai monté des motos trop chères pour me foutre en l’air, j’ai dressé un nuage rouge…


Ma mère me disait toujours, tu ne sais pas ce que tu veux. Je sais ce que je ne veux pas. Je sais ce que je ne supporte pas. La trahison.
 

Je n’ai pas l’idée de Dieu. Je trouve ça indécent. La société, ce n’est pas une fatalité. C’est nous qui la faisons. Quand une jument mettait bas à 3h du matin, on était là. On ne se posait pas la question de savoir à qui on rendait service, ni pourquoi.
 

Mon père travaillait dans les barrages. Il est sorti du camp, il n’avait plus de dents. De ça il n’en disait rien. De lui, j’ai le goût des avions.
 

Enfant, j’ai été malade, et ma mère était habile. Il ne fallait pas de bleus, il ne fallait pas de coup. D’elle j’ai le goût des jolies choses, elle m’a donné l’envie de lire.


Je crois au sacré.

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